12 décembre 2015 : l’accord de la COP21
Un accord est signé
L’accord de Paris, signé par 195 nations, samedi 12 décembre au Bourget, est historique : pour la première fois, tous les États s’engagent à diminuer leurs émissions de CO2, et plus seulement les pays développés. C’est, en ce sens, le premier accord universel pour le climat. Un nouveau régime juridique se met en place : à partir de 2020, les pays devront se réunir tous les cinq ans pour faire le bilan de la baisse de leurs gaz à effet de serre et se fixer de nouveaux objectifs, de plus en plus ambitieux au fil du temps.
Autre symbole marquant : le monde se fixe pour horizon de contenir le réchauffement de la température moyenne « bien en dessous de 2 ° » par rapport à son niveau pré-industriel, et accepte de « poursuivre ses efforts » pour la limiter à 1,5 °C. Cet engagement est purement théorique : compte tenu de tous les gaz à effet de serre émis depuis la révolution industrielle et de tous ceux que les États ont prévu de rejeter d’ici 2020 et 2030, la température pourrait se réchauffer de près de 3 °C.
Un accord est signé mais...
« Dans ce texte, beaucoup de choses ont été diluées et polluées par ceux qui détruisent notre planète, mais il contient un nouvel impératif : limiter la hausse de la température à 1,5 degré, a déclaré Kumi Naidoo, directeur exécutif de Greenpeace international. Ce simple chiffre, avec le nouvel objectif de zéro émission nette d’ici la deuxième moitié du siècle, va causer la consternation dans les conseils d’administration des entreprises de charbon et dans les palais des États pétroliers. » Pour Giza Gaspar Martins, président du groupe des pays les moins avancés (PMA) : « Le problème n’est pas ce que nous pouvons faire, mais ce qu’il faut faire. Même à +1,5 degré, le consensus scientifique nous dit que beaucoup d’entre nous ne seront pas saufs. »
Laurent Fabius, président de la COP21, a beau parler d’un accord « ambitieux et équilibré » et François Hollande proclamer qu’« il est rare d’avoir dans une vie l’occasion de changer le monde », l’accord de Paris ne crée pas d’outils concrets de baisse des gaz à effet de serre. Ses signataires s’engagent à plafonner leurs émissions « dès que possible », sans date butoir, et sans objectifs quantitatifs. C’est pourtant loin d’être un détail : pour contenir le réchauffement à +1,5 °C, il faudrait baisser les gaz à effet de serre de 70 à 95 % d’ici 2050. Cela nécessiterait un changement radical dans nos transports, nos logements, notre commerce. Autant de perspectives inenvisageables pour la plupart des gouvernements signataires.
Par ailleurs, le cycle de révision des émissions polluantes commence trop tard : le premier bilan doit être réalisé en 2023. Le renforcement des objectifs et leur application n’interviendraient que plusieurs années plus tard. Or, selon les chercheurs du GIEC, les dix – et même les cinq – prochaines années sont cruciales pour limiter le dérèglement du climat. Beaucoup de scientifiques considèrent que la course contre la montre des 2° est perdue d’avance.
Lidy Nacpil, coordinatrice du Mouvement des peuples asiatiques sur la dette et le développement, dénonce un autre travers : la possibilité pour les États riches de réduire leurs émissions en dehors de leur territoire national, notamment dans les pays en développement. « Ils doivent réduire leurs propres émissions. Et ce doit être une obligation ! » proteste-t-elle. Autre exemple, l’article sur les émissions nettes à atteindre d’ici la deuxième moitié du siècle permet la captation et le stockage du CO2, une technologie qui risque de retarder le pic à la baisse des émissions.
Un lobbying intense
L’évolution du projet d’accord pendant la COP porte la marque du lobbying intense qui s’est déployé. Dans sa première version, un article voulait interdire que les droits de la propriété intellectuelle n’empêchent le partage de technologies favorables au climat dans les pays du Sud. Il a ensuite disparu.
Autre exemple, les émissions des transports maritimes et aériens devaient être incluses dans les objectifs de réduction de l’accord – alors qu’elles représentent près de 10 % des émissions mondiales. Ce passage a été effacé dans les versions ultérieures. À l’inverse, la « promotion de la croissance économique » est apparue dans le texte en cours de négociation, et y figure toujours.
Pas contraignant mais...
L’accord de Paris entérine une rupture sans doute irréversible avec le protocole de Kyoto : il n’est pas juridiquement contraignant dans sa globalité et se met en œuvre par des objectifs de réduction d’émissions que chaque pays fixe librement. Cette absence de contrainte affaiblit le cadre régilateur qu’il crée.
Pour l’économiste Nicholas Stern, auteur du rapport qui fut en 2006 le premier à chiffrer les coûts faramineux de l’inaction pour le climat, « l’obligation est toujours là, mais elle fonctionne d’une autre manière. Regardez ce qui s’est passé depuis un an : plus de 180 pays ont déposé des objectifs de baisse d’émissions alors que rien ne les y obligeait juridiquement ».
« Il faut trouver un système d’obligation un peu différencié, avec le même niveau d’exigence pour les passages en revue des objectifs de gaz à effet de serre », analyse un négociateur. Plutôt que des contraintes juridiques jamais appliquées sous le protocole de Kyoto, les sanctions pourraient être « réputationnelles », à l’exemple de la liste noire des paradis fiscaux dressée par l’OCDE, ou encore des enquêtes de la Cour des Comptes sur les dérives budgétaires des collectivités locales.
Mais pour l’économiste Maxime Combes, de l’organisation Attac : « Les accords réellement contraignants sont ceux sur le commerce et les investissements. Il y a une dichotomie entre les contraintes juridiques dans les accords commerciaux et l’absence de contrainte sur le climat. »