Faut-il refuser de prendre l’avion ?

, par françoise

Certaines personnes, conscientes des problèmes écologiques contemporains et désireuses de participer activement à la protection de l’environnement, décident de minimiser leur contribution à l’effet de serre en s’abstenant de tout déplacement en avion. Il faut, en effet, savoir qu’un vol Paris-New York ajoute environ une tonne de gaz carbonique à l’atmosphère ! C’est autant que la moyenne annuelle émise par l’activité de chaque citoyen de notre planète ! Les voyages en avion sont la cause d’une fraction toujours plus grande et plus rapidement croissante de notre dépense énergétique mondiale (on parle de 17 % ). On sait donc que l’avion est un des modes de déplacement les moins respectueux de l’environnement.

Des efforts importants sont faits par les avionneurs pour réduire l’énergie requise pour voler sur de grandes distances. Pourtant, ces recherches ne seront vraisemblablement pas en mesure d’apporter, dans un avenir suffisamment rapproché, une amélioration importante à la situation de crise qui se profile dans le domaine des énergies et du réchauffement climatique.

Il importe toutefois de se demander si cette attitude exemplaire qui consiste à refuser de prendre l’avion est toujours la plus appropriée. Dans le contexte de plus en plus urgent de l’effet de serre, la question se pose pourtant. Comme d’habitude la réalité, n’est jamais simple et exige beaucoup de discernement. Il faut se demander dans quel cas ces activités énergivores sont judicieuses et dans quel cas il conviendrait, pour le bien du plus grand nombre, de s’en abstenir.
Sens des responsabilités

Une limite semble s’imposer d’elle-même : la vie doit continuer ! La Terre est grande et les rencontres sont un élément essentiel de la vie. Le droit de voyager pour explorer la planète et les avantages que de tels voyages apportent à la culture de chacun paraissent difficiles à ignorer. Parlant de mon propre domaine, celui de la recherche et de la connaissance scientifique, les avantages des rencontres entre les chercheurs sont maintenant solidement établis. De tout temps, les congrès et autres symposiums ont été essentiels au progrès des connaissances. L’histoire des sciences en a largement montré les apports positifs (les téléconférences, bien qu’ayant leurs mérites, sont notoirement moins fructueuses ).

De telles argumentations peuvent sans doute être élargies à beaucoup d’autres domaines : le commerce, l’industrie, les relations familiales, humaines et politiques, etc. Alors, que faire ?

Évidemment, quand un TGV existe, il apporte la solution au problème. Sinon, la bonne démarche est, me semble-t-il, de faire appel au sens des responsabilités de chacun. Alerté sur la gravité de la situation planétaire, chacun doit estimer la nécessité d’entreprendre tel vol à l’aune de la connaissance qu’il a des dommages imposés à l’atmosphère et, par là même, à l’ensemble de l’humanité. Ce voyage lointain est-il vraiment justifié dans le contexte actuel ? Peut-il être évité et remplacé par une autre méthode ? C’est la présence de ce souci, en regard de la décision, qui fera toute la différence. En connaissance de cause, à chacun de répondre selon son meilleur jugement.

Article publié par Hubert Reeves dans le Point

Voir en ligne : http://www.lepoint.fr/invites-du-po...