Journée Labos 1.5
Compte rendu de la journée Labos 1Point5 du 6 novembre 2020
Ce compte-rendu a été préparé par un collègue de Sorbonne Université, André Estevez-Torres, qui est membre de l’Ecopolien. Il a bénéficié des corrections de quelques un.e.s des intervenant.e.s de la journée et d’un membre du groupe énergie-climat de l’Observatoire. Il ne s’agit pas d’un compte-rendu officiel.
Vous pouvez accéder aux vidéos et supports de tous les exposés de la journée ici
Le collectif Labos 1point5 a été fondé en mars 2019 avec la volonté d’emmener l’ensemble de la communauté de recherche française dans une démarche de transformation axée sur la réduction de son empreinte environnementale.
Il est composé de 7 équipes de travail rassemblant plus de 400 personnes. Ces équipes sont :
- Coordination
- Empreinte
- Enquête
- Réflexion
- Expérimentation
- Communication
- Technique
Vous pouvez rejoindre Labos1point5 ici.
Olivier Berné et Tamara Ben Ari ont parlé de l’historique du collectif, les choix stratégiques et d’organisation qui ont porté le collectif pendant sa première année et demi d’existence. Un résumé de la littérature sur l’impact carbone de la recherche a également été présenté ainsi que les projets à moyen terme du collectif. Dans la littérature on trouve, en particulier, que le H-factor n’est pas lié à l’empreinte carbone des individus mais que, au contraire, le nombre de citations est lié au nombre de voyages. On trouve aussi que la légitimité des voyages scientifiques est entretenue par les institutions pour des raisons de réputation. Une étude de la bibliographie disponible montre un lien assez fort entre le nombre de publications et le nombre de voyages en avion effectués par une personne. Un large projet interdisciplinaire est en cours de construction, à la fois pour traiter les données quantifiées et plus qualitatives, ainsi que leur comparaison. Un GDR est en cours de création pour abriter ces travaux avec plusieurs stages de M2 ainsi qu’une thèse de sociologie des sciences. Un exemple du type de travaux menés est donné, à titre prospectif, à la fin pour des résultats en cours de consolidation.
L’estimation de l’empreinte carbone des laboratoires est un des projets phares du collectif, mené par l’équipe empreinte. Odile Blanchard et Jérôme Mariette ont présenté l’outil web GES1point5, disponible ici. A l’heure actuelle, il permet d’estimer l’empreinte carbone des bâtiments d’un laboratoire (due aux consommations d’énergie, de chauffage et de gaz réfrigérants) et l’empreinte carbone des déplacements des personnels (véhicules des laboratoires, missions, déplacements domicile-travail). C’est l’outil de référence recommandé par le CNRS (voir cette page ). L’impact du numérique sera disponible dans le courant de l’année 2021. Un module pour les achats est également en réflexion mais demandera un travail conséquent du fait de leur diversité. GES1point5 est un outil de diagnostic et d’animation en vue de la réduction des émissions de gaz à effet de serre des laboratoires et aussi un outil pour la recherche : il ouvre la voie à des analyses statistiques sur les émissions des laboratoires en croisant diverses variables, à l’estimation de l’empreinte carbone de la recherche publique française et à la construction de scenarios de réduction des émissions. A une autre échelle, une version "GES1point5 universités" est envisagée, en partenariat avec quelques universités pilotes . Si vous souhaitez contribuer à ces développements, contactez : odile.blanchard@univ-grenoble-alpes.fr ou jerome.mariette@inrae.fr
Un deuxième objectif du collectif est de faire de la recherche sur l’empreinte écologique de l’Enseignement supérieur et la recherche (ESR) (équipe enquête). Milan Bouchet-Valat, Jérôme Greffion et Julien Gros ont présenté des résultats préliminaires d’une enquête sociologique intitulée « Les personnels de la recherche face au changement climatique » (questionnaire disponible ici ). L’enquête a porté sur un échantillon de 6000 répondants parmi 30000 personnels affiliés à des unités CNRS tirés au sort dans une base de 130 000 personnels de tous organismes de recherche mais rattachés à une UMR. 85% des répondants sont plutôt d’accord ou tout à fait d’accord sur la nécessité de changer la pratique des métiers de recherche face à l’urgence climatique, avec 85% considérant qu’il faut réduire le poids des conférences internationales dans les évaluations de carrière (dont 60% considérant que c’est une action prioritaire). L’exploitation des données commence à peine, les personnes motivé.e.s sont encouragé.e.s à rejoindre l’équipe enquête.
Un troisième objectif de Labo1point5 est d’accompagner les laboratoires dans le mouvement de réduction de l’empreinte carbone. Olivier Aumont a témoigné sur le processus menant à la mise en place, dans le laboratoire LOCEAN à Paris, de mesures visant une réduction de 25% des émissions d’ici 2026. L’objectif de ce témoignage est de proposer un exemple d’expérimentation et d’en faire un retour partiel d’expérience. La mesure principale dans ce laboratoire est de plafonner les droits d’émissions de chaque membre du labo pour les déplacements professionnels ( texte mis au vote ). Des droits d’émission qui, par ailleurs, décroissent au fur et à mesure du temps, de 10 tCO2 par personne en 2021 à 2.5 tCO2 en 2026, avec des dispositions prises pour limiter l’impact sur les plus jeunes et sur les déplacements liés aux missions en mer. Le laboratoire a aussi voté une motion qui l’engage sur une réduction de 50% des émissions d’ici 2030. Ces mesures ont été votées à une très large majorité par le laboratoire. Olivier a insisté sur l’importance du collectif dans le processus, de la bienveillance et du respect des opinions différentes ainsi que sur le temps d’appropriation du sujet qui peut être long.
Olivier Ragueneau a présenté l’initiative ’expérimentation’, conduite avec Audrey Sabbagh, qui vise à explorer différentes modalités de réduction de l’empreinte carbone de laboratoires volontaires parmi, entre autres : pédagogie/sensibilisation, jeu sérieux, quota, taxe, compensation, monnaie carbone, etc. Il s’agira dans un premier temps d’accompagner, de faciliter et d’observer les délibérations et les modalités de prise de décisions qui devront se tenir dans les laboratoires volontaires, en vue de choisir l’une des modalités à tester et dans un deuxième temps de documenter et de commencer à évaluer les effets des différentes options choisies dans ces laboratoires, en termes d’émissions de CO2 et de conséquences pour la pratique de la recherche elle-même. Les hypothèses de travail sont les suivantes :
- (1) La participation à une expérimentation nationale permet de stimuler la tenue de débats sécurisés et l’engagement dans des changements de pratiques générant des réductions effectives d’émissions de CO2 ;
- ( 2) Cette expérimentation conduite à grande échelle dans le domaine de l’ESR est susceptible de produire un effet d’entrainement sur d’autres pans des activités humaines, à partir d’actions intenses de communication la concernant et de l’implication des membres de l’ESR dans de nombreuses institutions sur les territoires (tissu associatif, collectivités territoriales…).
Patrick Hennebelle et Xavier Capet ont présenté les initiatives du groupe réflexion, qui vise à articuler la réflexion et à organiser les débats de fond au sein du collectif. Le groupe a notamment produit un texte ’Sur la responsabilité de l’ESR’ . A noter également l’idée d’instaurer un nouveau droit, celui de pouvoir consacrer un jour par semaine à la transition environnementale dans le cadre du travail, idée portée par Vincent Guillet. Ce droit pourrait être d’abord mis en place dans le cadre de l’ESR puis étendu à tous les salariés. Une première expérimentation est à l’oeuvre à Montpellier. (plus d’infos ). Enfin, une réflexion a commencé sur la manière d’enseigner les enjeux du dérèglement climatique dans le supérieur. Le groupe ’Enseignement’ a déjà commencé à produire des supports de cours sur ce sujet ainsi qu’une réflexion de fond sur l’enseignement des désordres climatiques lui même, et les difficultés associées pour les enseignants comme pour les étudiants .
Pour finir la matinée de présentations, Estelle Carciofi a donné un aperçu des efforts du collectif en matière de communication et Gérald Salin a rappelé les principaux impacts environnementaux du numérique. C’est l’achat des terminaux qui contribue à 80% au bilan carbone du numérique (5% pour les réseaux et 15% pour les data centers). La gestion des données, pour réduire le nombre de dispositifs de stockage, ainsi que l’augmentation de la durée des vie des terminaux sont des leviers importants pour réduire l’impact du numérique.
La deuxième partie de la journée a commencé avec la présentation du jeux sérieux « Ma Terre en 180 minutes ». Elle a continué avec la présentation des posters et vidéos d’autres initiatives sur la plateforme virtuelle, une façon très 80’s de discuter en ligne avec les collègues autour des posters. Les initiatives présentées sont détaillées ici
Philippe Roche a présenté la façon dont le collectif va s’organiser dans la suite. D’un côté il sera constitué en association loi 1901, à laquelle chaque personnel de l’ESR pourra adhérer. De l’autre, un GDR sera créé.
Enfin, Bruno Andreotti a fait un point d’information sur la Loi de programmation de la recherche. Il a notamment montré, graphiques à l’appui, que la LPR ne prévoit aucun effort supplémentaire d’investissement dans la recherche. Le faible accroissement des salaires des permanents se fera donc au détriment d’une réduction du nombre d’emplois permanents et au bénéfice d’un accroissement des non-permanents. Par ailleurs, le budget de l’Université par étudiant est amené à se réduire dans les 10 prochaines années. Par ailleurs, si on prend en compte les économies faites par l’Etat à la suite de la réforme des retraites à venir, alors le budget de l’ESR sera strictement constant (en euros 2020) pendant les 10 prochaines années. Il a également montré comment les réformes de l’ESR depuis 15 ans sont contenues dans un article de Aghion et Cohen de 2004. Il a notamment appelé à mener une bataille culturelle pour proposer un ESR construit sur d’autres bases que celles de la managérisation, la compétition et la contractualisation. Il est à noter qu’il serait pertinent pour Labos 1point5 d’aider à la reflexion sur les indicateurs actuellement retenus pour définir une recherche de qualité.